Difficile début de mois de mars pour le marché des cryptomonnaies. S’il est toujours complexe d’isoler les raisons derrière tout recul, il ne fait aucun doute que deux sujets principaux ont influencé les prix au cours de la semaine. Les tumultes se sont amorcés avec les difficultés grandissantes de la banque Silvergate vendredi. Les propos de Jerome Powell relativement à l’inflation et les prochaines hausses de taux d’intérêt en ont ajouté une couche hier. Voyons plus en détail.

Silvergate est une institution financière qui fournit des services bancaires aux entreprises fintech, y compris celles du secteur des cryptomonnaies. Plus précisément, Silvergate offre des services tels que les virements électroniques, les transferts ACH et les solutions de comptes de dépôt aux échanges de cryptomonnaies et autres entreprises de monnaies numériques. Les services de Silvergate sont conçus pour aider ces entreprises à gérer leurs transactions en monnaie fiduciaire et à accéder à la liquidité, ce qui est crucial pour le fonctionnement de l’écosystème des cryptomonnaies. Or, l’entreprise a retardé mercredi le dépôt de son rapport annuel 10-K auprès de la Securities and Exchange Commission des États-Unis, indiquant à cette dernière qu’elle avait «besoin d’un délai supplémentaire» pour permettre à un cabinet comptable indépendant de mener à bien certaines procédures d’audit. Comme indiqué dans les observations, Silvergate a mis en évidence plusieurs facteurs qui devraient avoir un impact négatif sur le calendrier de son rapport 10-K. Il s’agit notamment de la vente de titres d’investissement qui dépasse les estimations et les informations communiquées antérieurement dans le communiqué de presse. Il s’agit notamment de la vente de titres d’investissement qui dépasse les estimations antérieures et les informations communiquées dans le communiqué de presse sur les résultats de la société. En outre, la vente récente par la société de titres de créance en janvier et février 2023 devrait entraîner de nouvelles pertes financières, selon les prévisions de Silvergate.

Cette décision a eu des effets immédiats sur la volonté des différents acteurs de l’industrie ayant des liens avec Silvergate. Coinbase a tweeté qu’ « À la lumière des récents développements et par excès de prudence, Coinbase n’accepte plus ou n’initie plus de paiements à destination ou en provenance de Silvergate.» Crypto.com emboite le pas, annonçant que «les dépôts et les retraits via Silvergate ont été temporairement suspendus». Gemini, fondée en 2014 par les jumeaux Winklevoss, a aussi déclaré qu’elle avait cessé d’accepter les retraits et les dépôts de ses clients ou d’effectuer des virements via Silvergate sur sa plateforme.

Silvergate semble du coup s’apprêter à devenir la prochaine victime de la faillite de FTX. Selon des rapports antérieurs, Silvergate a connu une baisse notable de ses dépôts bancaires à la suite de l’effondrement de FTX, un échange de cryptomonnaies. La banque a fait état d’une baisse de 68 %, équivalant à 8,1 milliards de dollars, en janvier 2022, survenue au cours du dernier trimestre de l’année fiscale précédente. Pour faire face au volume considérable de retraits au cours de cette période, la banque a eu recours à un prêt de 4,3 milliards de dollars de la Federal Home Loan Bank et a vendu environ 5,2 milliards de dollars de titres de créance. Ceci a permis à Silvergate de satisfaire la forte demande de retraits, malgré la baisse importante de ses dépôts bancaires.

Il a été rapporté que les régulateurs ont entamé des discussions urgentes avec Silvergate dans le but de sauver la banque favorable aux cryptomonnaies d’une fermeture potentielle. Selon des sources au fait du dossier, la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) s’est entretenue avec la direction de Silvergate afin d’explorer des solutions potentielles. Bloomberg a rapporté le 7 mars que les discussions visaient à trouver des moyens de sauver la banque et d’empêcher sa fermeture.

L’action de Silvergate (SI) se négociait à 13,53 dollars à la clôture de la bourse mercredi, avant l’annonce du report de son rapport 10-K. Avant l’ouverture des marchés aujourd’hui, son prix est à 5.21$, en baisse de 98% depuis son sommet de novembre 2021. Lors du gros de la chute vendredi, le bitcoin a quant à lui ouvert à 23 470 $ pour fermer à 22 350 $.

Ce mercredi, le prix du bitcoin a chuté à son plus bas niveau depuis trois semaines, en raison des commentaires hawkish du président de la Réserve fédérale américaine, Jerome Powell, lors de son témoignage devant le Congrès. Les traders ont réagi en ajustant leurs prévisions de hausse du «taux terminal», ce qui a contribué à la baisse de la valeur du bitcoin. Lors de son témoignage, Powell a annoncé que la banque centrale avait l’intention d’augmenter les taux d’intérêt au-delà des estimations précédentes, citant le processus prolongé nécessaire pour réduire l’inflation au taux ciblé de 2 %. La Fed a déjà relevé ses taux de 450 points de base depuis l’année dernière. À la suite de ces remarques, les traders des contrats à terme sur les Fed funds ont relevé leurs projections pour le taux maximal ou terminal à 5,65 %, contre environ 5,47 % en début de semaine et 4,9 % il y a un mois. Cela indique que les traders anticipent désormais un nouveau resserrement au cours des prochains mois, la banque centrale augmentant les taux d’au moins 100 points de base avant d’atteindre la fin du cycle de resserrement.

Il va sans dire que cette inflation persistante et ces prévisions négatives ont pesé sur l’ensemble des marchés hier, comme ce fut le cas pour la grande majorité de 2022 d’ailleurs.

Dans le cadre de ce même témoignage, Powell a aussi adressé le sujet des cryptomonnaies directement. Le président de la Réserve fédérale a déclaré qu’il ne fallait pas étouffer l’innovation, mais que les institutions financières devaient faire preuve d’une «grande prudence» dans la manière dont elles interagissent avec les cryptomonnaies. «Comme tout le monde, nous avons observé ce qui s’est passé dans l’espace crypto et ce que nous voyons, c’est beaucoup d’agitation, de fraude, de manque de transparence, de risques d’exécution, et beaucoup de choses comme ça», a déclaré Powell. «Nous veillons à ce que les institutions financières réglementées que nous supervisons et régulons soient prudentes et attentives à la manière dont elles s’engagent dans l’espace crypto.»

FTX a révélé qu’elle avait découvert un manque à gagner de 8,9 milliards de dollars dans les fonds de ses clients qui ne peut être expliqué. C’est la première fois que la bourse de cryptomonnaies en faillite est en mesure de quantifier l’ampleur des fonds manquants. Selon une présentation publique publiée jeudi, FTX a identifié environ 2,7 milliards de dollars d’actifs de clients, tandis que les soldes impayés sur les comptes clients s’élèvent à 11,6 milliards de dollars. La valeur estimée des actifs et des passifs de la société est basée sur les prix des cryptomonnaies au moment du dépôt de bilan de FTX, début novembre. Sur le même sujet, FTX a annoncé que sa filiale, Alameda Research, poursuivait le gestionnaire d’actifs Grayscale Investments pour débloquer les investissements qui, selon elle, sont illégalement refusés à ses clients. Le nouveau PDG de FTX, John J. Ray III, qui supervise la liquidation de la défunte bourse de cryptomonnaies, a publié lundi une déclaration indiquant que Grayscale imposait une «interdiction de rachat abusive» qui empêchait les clients d’accéder à leurs fonds.

Les juges qui supervisent le procès de Grayscale contre la Securities and Exchange Commission (SEC) ont interrogé l’organisme de surveillance financière mardi, en se penchant sur les raisons pour lesquelles l’agence a refusé la demande de Grayscale d’établir un FNB Bitcoin. Grayscale a intenté une action en justice contre la SEC en juin de l’année dernière, après le rejet d’une demande de conversion de son Grayscale Bitcoin Trust (GBTC) en FNB sur le marché au comptant du bitcoin. Un élément essentiel de l’argument de la SEC est que l’application de Grayscale manquait des données nécessaires pour déterminer de manière confidentielle «si la fraude et la manipulation sur le marché au comptant ont le même impact sur les [marchés] à terme». Or, la juge Neomi Rao a déclaré qu’il semble que le prix à terme du bitcoin soit un dérivé du prix au comptant de l’actif, qui évolue ensemble 99,9 % du temps. Elle a déclaré que la SEC n’avait pas apporté la preuve que les affirmations de Grayscale étaient erronées. «Il semble qu’il y ait beaucoup d’informations sur la façon dont ces marchés fonctionnent ensemble, ajoutant que «la Commission doit vraiment expliquer […] comment elle comprend la relation entre les contrats à terme sur le bitcoin et le prix au comptant du bitcoin». Le prix de GBTC a favorablement réagi à la nouvelle, grimpant de 9% alors que le bitcoin était pourtant en chute en parallèle.

Véritablement, la SEC a reçu son lot de critiques relativement à ses positions face aux cryptomonnaies cette semaine. Soulignons finalement que Binance US a été autorisé à racheter les actifs de Voyager, un juge ayant rejeté les objections de la SEC. Les autorités de régulation américaines ne seront pas autorisées à sanctionner les dirigeants ou les conseillers impliqués dans la faillite de Voyager Digital Ltd. pour la création d’une nouvelle cryptomonnaie qui aiderait à rembourser les clients du prêteur d’actifs numériques en faillite, a déclaré un juge lundi. La position de la SEC «laisserait une épée suspendue au-dessus de la tête de tous ceux qui vont effectuer cette transaction», a déclaré ce même juge. «Comment une procédure de faillite ou toute autre procédure judiciaire peut-elle fonctionner avec ce genre de suggestion?»

Selon un récent rapport de CoinShares, la capitulation des mineurs de Bitcoin a été complètement différente au cours de ce cycle baissier. Lorsque les conditions du marché sont favorables, les mineurs de bitcoins ont tendance à conserver leurs bitcoins, ce qui limite l’offre de nouvelles pièces pendant les périodes de forte demande et stimule davantage la tendance générale à la hausse des prix. Toutefois, en période difficile, comme ces derniers mois, les mineurs ont tendance à vendre leurs réserves de bitcoins, généralement pour couvrir les coûts opérationnels pendant les périodes d’exploitation moins rentables, lorsque le prix du bitcoin est bas, ou pour rembourser des positions à fort effet de levier. Plusieurs mineurs cessaient alors leurs activités, créant un véritable creux de vague jusqu’au rajustement du niveau de difficulté de minage leur permettant de prendre leurs activités.

Or, ce n’est pas la tendance observée au cours de 2022.

Christopher Bendiksen de CoinShares explique : «Lorsque le marché des capitaux était beaucoup moins efficace, il était probablement beaucoup moins ordonné et nous l’avons vu se manifester auparavant par ces grandes baisses de difficultés», a-t-il déclaré, comparant le réseau actuel à l’époque où l’industrie était moins bien établie. «Cela ne s’est pas produit cette fois-ci, même si nous avons connu des faillites spectaculaires et un certain nombre d’opérations en difficulté.» Or, cette fois, les firmes minières se sont montrées particulièrement résilientes, continuant leurs activités et faisant front aux vents contraires sans broncher. On le voit bien avec le taux de hachage du réseau qui a continué de grimper tout au long de 2022. Cela exprime un niveau de maturité supérieur de l’industrie lors du présent cycle.

De nouvelles données sur chaine semblent indiquer que le bitcoin est en cycle de transition, mais du bon côté du prix plancher de ce cycle. Le cours du bitcoin est très sensible aux variations des taux d’intérêt et aux fluctuations de l’indice du dollar américain (DXY), qui exerce une pression sur les actifs à risque. Le moyen le plus efficace pour le bitcoin de contrer la pression des vendeurs à découvert est de faire entrer sur le marché de nouvelles liquidités longues et de nouveaux acheteurs au comptant. L’examen des flux nets des échanges constitue un indicateur utile pour mesurer la nouvelle liquidité, et actuellement, cette mesure montre une augmentation de 34 % depuis le début de l’année 2023. Cependant, il reste inférieur au taux quotidien moyen de 1,6 milliard de dollars pour l’année.
 

Bien que certains investisseurs en bitcoins aient pris des bénéfices, il y a eu des indicateurs positifs sur la chaîne, révélés par la métrique Net Unrealized Profit/Loss (NUPL). Le NUPL mesure la disparité entre les gains et les pertes non réalisés dans l’offre de bitcoins.

Selon un rapport récent de Glassnode, «Depuis la mi-janvier, la moyenne hebdomadaire du NUPL est passée d’un état de perte nette non réalisée à un état positif. Cela indique que le détenteur moyen de bitcoins détient maintenant un bénéfice net non réalisé d’une ampleur d’environ 15 % de la capitalisation boursière. Ce schéma ressemble à une structure de marché équivalente aux phases de transition des précédents marchés baissiers.»

Bref, si mars souffle pour l’instant un vent contraire à la progression du début d’année, il semble que le pire soit néanmoins derrière pour les cryptomonnaies, du moins dans les cycles leurs étant propres.

Les Investissements Rivemont, gestionnaire du Fonds Rivemont crypto.

Les renseignements présentés le sont en date du 8 mars 2023, à moins qu’une autre date ne soit mentionnée, et à titre d’information seulement. Ils proviennent de sources que nous jugeons fiables, mais non garanties. Il ne s’agit pas de conseils financiers, juridiques ou fiscaux. Les investissements Rivemont ne sont pas responsables des erreurs ou omissions relativement aux renseignements, ni des pertes ou dommages subis.